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Numéro 61 - 07 septembre 2016
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Pataphysique de la chaise plate

A l'instar de John Malkovitch, j'ai toujours rêvé de vivre dans la peau d'une vache, rien qu'une vache...déguisée en elle-même.

Non pas une vache sacrée d'Inde à laquelle personne, pas même le président, ne peut toucher le cul. D'ailleurs a-t-on jamais vu Jacques Chirac invité au Salon de l'agriculture de Bombay ? Non, trois fois non, et de surcroit jamais ô grand jamais ! D'aucuns invoquent le jamais comme d'autres évoquent le jadis, pour ma part c'est au présent que je veux vivre dans la peau d'une vache, une vache bien française, une vache aux yeux tendres, de modèle noir et blanc de la race de celles qui regardent passer les trains, et qui, émoustillées par la vitesse, s'essaient à les suivre un instant, dans une course pataude et malhabile tout en lâchant joyeuses, quelques chapelets de bouse fraiche et parfumée au méthane, participant, elles aussi et à leur mesure, à détruire cette bonne vieille couche d'ozone, afin que nous puissions tous enfin mourir, imbéciles mais heureux, de mélanomes géants...comme tous ces bons colons australiens.

J'aime les vaches, les trains aussi. Et les trains rêvent-zaussi, sur leurs voies de garage, qu'ils broutent indolents dans les vertes vallées en regardant passer des vaches à réaction, des vaches pressées d'aller ruminer au Salon du Livre  quelque bonne bouse déjà mastiquée, déjà passée par les 99 estomacs sacrés de la vache sacrée d'Inde, les 5 estomacs de la vache ordinaire, et l'absence d'estomac des éditeurs.

Que ce soit une vache qui rêve qu'elle est un train, un train qui se rêve en vache, un vache en prisonnier, un prisonnier en ballon, un ballon en baudruche, un Papon en autruche, un voyage en autriche ou même cinq semaines en ballon ; jamais, je dis bien jamais, à part bien entendu les fous qui ne se prennent pas pour Napoléon ou Sarkosy, jamais dis-je, personne ne rêve de vivre dans la peau d'une chaise, de surcroit, une chaise bleue et moins encore une chaise à deux dimensions : j'y vais un peu fort dans le péremptoire, mais il fallait que ce fût dit !

Qu'est-ce qu'une chaise ?

Rien. Rien qu'elle même, cet outil transitoire entre la station debout et la mort, entre l'action et la débilité absolue, de celle qui nous fait faire sous elle...chaise perçée, marché persan, divan, Diwan, douane, idoine. Nulle part dans la nature on ne trouve dans les replis des arbres, de chaises cachées, mêmes petites, nulle part dans le ciel, aucun nuage n'a eu l'audace de ressembler à une chaise, aucun zoologue a eu la médiocrité de nommer une espèce poisson-chaise ; les jours de grandes migrations en Norvège aucun envol d'oiseau-chaise a été signalé ni même vu... La chaise ne ressemble à rien qu'elle-même, et elle ne répond qu'à sa fonction, objet pur donc inutile, la chaise est une chaise en soi. Elle ne procure aucune imagination, sauf quelques fois à attacher des prisonniers dans les films de série B, mais ils s'échappent toujours...

Vous vous demandez pourquoi, les designers, les architectes d'intérieurs, publicistes, graphistes et autres sous-races d'artistes rampants et sentant mauvais de la bouche (occurence non vérifiée, soit !) se sont emparés de ces instruments de torture non-intellectuelle que sont les chaises ? Et bien c'est simple : car comme eux, la chaise  vide ou occupée,  ne sert à rien. L'architecture d'intérieur qui constitue la dernière distraction inutile de l'homme avant la mort, les derniers signes de fonction vitales avant le saut dans le grand vide, me fait regretter les grands timoniers de l'Histoire, guides des peuples et autres dictateurs qui auraient trouvé à tous ces braves gens des routes à terrasser et des cailloux à casser... L'architecte d'intérieur, c'est les poignées plaquées or de nos cerceuils... Le designer m'est toujours apparu comme un animal bizarre, dépressif chronique mais content de lui.

Pourquoi les meilleurs designers sont-ils italiens ? Parce qu'ils ont la naturelle élégance de savoir par intuition, que ce qu'ils font ne sert à rien, alors que les autres, tous les autres, se pensent utiles au monde. L'enfer n'est-il pas pavé de designers suédois ? Quand sur la tombe du français moyen il y a écrit "et dire que pas plus tard que la semaine dernière, j'ai acheté un presse-agrume Starck...", sur la tombe de l'italien  il y aura écrit "Va fanculo".

Pas mécontent de ma petite analyse d'une mauvaise foi absolue, d'autant plus que je possède une lampe Pipistrello de 65 créée par Gae Aulenti et distribuée par Martinelli, pas ces immondes rééditions à 800 euros, l'originale, sur les ampoules desquelles je peux griller mes saucisses, car oui je mange des saucisses, voilà qui vous en bouchera un coin, et qui me fera définitivement oublier ce que je voulais dire au début de la phrase.

pipistrello certifié 65...

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Alors de grâces, et compte tenu du nombre de vieillards sur l'assise desquelles ils ont égaré leur incontinence, leurs pets foireux, jusqu'à l'ultime relâchement de leurs vessies prostatiques, annonçant la venue bien opportune de la Grande faucheuse, laissons le chaise bleue à ce qu'elle sait le mieux faire : faire mourir à petit feu nos vieux et riches retraités tannés par le soleil et engraissés par le colis de Noël de notre Maire. Laissons-la, là où elle est  le mieux : au sol, au niveau du mépris que nous avons pour elle et pour tous ceux et celles qui exploitent son image, presque 100 ans après l'urinoir de Duchamp, ceux qui ont volé la Couleur pour l'emprisonner dans un objet, sorciers, traitres, la chaise bleue, vous méprise presque autant que moi pour l'avoir prise pour ce qu'elle n'était pas, car précisement elle n'est rien, rien d'autre qu'elle-même.

Ceci dit, le design de la première chaise bleue créee en 50 par Charles Tordo est vâchement bath...mais ne le répétez pas...

La pronenade des anglais, Bernard Lavilliers

 

Ainsi Varüna de Ponto Combo, ses deux serres d'aigle agrippées sur l'accoudoir d'une de ces infâmies bleues, lâcha une fienta et s'envola, mi-homme, mi-oiseau vers des territoires plus excitants. C'était aux alentours du quinze Octobre deux-mille quatorze et par chance la Saint-Narcisse allait commencer, il allait pouvoir cheminer des chemins inédits, habiter la demeure des plus hospitalières imaginations, se réjouïr d'être vivant et heureux de l'être. Rallumer aussi ces vieilles lucioles qui copulent dans la nuit pour notre plaisir et jusqu'à épuisement total, Amen !

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Les Assis

Noirs de loupes, grêlés, les yeux cerclés de bagues
Vertes, leurs doigts boulus crispés à leurs fémurs,
Le sinciput plaqué de hargnosités vagues
Comme les floraisons lépreuses des vieux murs ;

Ils ont greffé dans des amours épileptiques
Leur fantasque ossature aux grands squelettes noirs
De leurs chaises ; leurs pieds aux barreaux rachitiques
S'entrelacent pour les matins et pour les soirs !

Ces vieillards ont toujours fait tresse avec leurs sièges,
Sentant les soleils vifs percaliser leur peau,
Ou, les yeux à la vitre où se fanent les neiges,
Tremblant du tremblement douloureux du crapaud.

Et les Sièges leur ont des bontés : culottée
De brun, la paille cède aux angles de leurs reins ;
L'âme des vieux soleils s'allume, emmaillotée
Dans ces tresses d'épis où fermentaient les grains.

Et les Assis, genoux aux dents, verts pianistes,
Les dix doigts sous leur siège aux rumeurs de tambour,
S'écoutent clapoter des barcarolles tristes,
Et leurs caboches vont dans des roulis d'amour.

- Oh ! ne les faites pas lever ! C'est le naufrage...
Ils surgissent, grondant comme des chats giflés,
Ouvrant lentement leurs omoplates, ô rage !
Tout leur pantalon bouffe à leurs reins boursouflés.

Et vous les écoutez, cognant leurs têtes chauves,
Aux murs sombres, plaquant et plaquant leurs pieds tors,
Et leurs boutons d'habit sont des prunelles fauves
Qui vous accrochent l'oeil du fond des corridors !

Puis ils ont une main invisible qui tue :
Au retour, leur regard filtre ce venin noir
Qui charge l'oeil souffrant de la chienne battue,
Et vous suez, pris dans un atroce entonnoir.

Rassis, les poings noyés dans des manchettes sales,
Ils songent à ceux-là qui les ont fait lever
Et, de l'aurore au soir, des grappes d'amygdales
Sous leurs mentons chétifs s'agitent à crever.

Quand l'austère sommeil a baissé leurs visières,
Ils rêvent sur leur bras de sièges fécondés,
De vrais petits amours de chaises en lisière
Par lesquelles de fiers bureaux seront bordés ;

Des fleurs d'encre crachant des pollens en virgule
Les bercent, le long des calices accroupis
Tels qu'au fil des glaïeuls le vol des libellules
- Et leur membre s'agace à des barbes d'épis.

Arthur Rimbaud

http://youtu.be/hxF0aBO2Hy4

 

 

Scolie indispensable : A l'attention de tous les esprits chargrins, amoureux des chaises, du design, de la décoration d'intérieur etc... qui voudraient m'insulter me frapper ou en découdre, que les choses soient dites : le pseudo sous lequel j'écris et qui me permet de manier la plus absolue mauvaise foi sans qu'à aucun moment, ce qui est vrai dans mon discours ne puisse être démélé du faux ou du grotesque ; résulte de mon infinie lâcheté. A aucun moment je ne défendrai mes propos bec et ongle et à visage découvert, je suis un pleutre, vous avez gagné d'avance, donc restons-en là voulez-vous.

 

 Varüna de Ponto Combo, entre deux métempsychoses, pour les vrais Urbains ceux qui marchent debout et dans la Nuit.

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Numéro : 44 -